Radio Libertaire : 35 ans et de belles oreilles

Pour l’anniversaire de Radio Libertaire, 20 groupes de musique et 5 dessinateurs se sont réunis et offrent un chouette cadeau : une double compilation.

Née en 1981, la plus libre et rebelle des radios a en réalité 36 ans cette année, mais ça n’a aucune importance, du moment qu’elle continue à émettre et ce, grâce à ses auditeurs et autres bénévoles.

Le paquet est sur la table

 

Avec le superbe dessin de Tardi, on ne peut pas rater ce grand et beau disque : un vinyle ET un CD, assortis d’un petit carton avec un code qui permet de télécharger les morceaux si on n’a ni lecteur CD, ni platine vinyle (pôvre de vous).

 

Deux labels ont présidé à la naissance : Visa, label multicolore et carnassier, découvreur de Bérurier noir dans les années 80 et récemment de Igor and the Hippie Land, et le label Trace, spécialisé en musique expérimentale et poésie sonore, avec notamment Sébastien Lespinasse & Heddy Boubaker.

 

On défait la ficelle

 

Le plaisir des vinyles, c’est d’abord la taille du support. On retrouve les auditeurs de la radio et le libertaire chat noir sur la chouette pochette de Jacques Tardi. Tardi est un ami de longue date du Monde libertaire pour qui il a notamment dessiné des affiches. La quatrième de couverture, de Bruno Loth, réunit les figures les plus connues de l’histoire de l’anarchisme dans les studios de la radio : Bakounine discute avec Kropotkine et Rirette Maitrejean regarde le misogyne Proudhon en chat de faïence.

A l’intérieur de la pochette, le Lucien de Frank Margerin, un peu grassouillet maintenant, trinque à la santé de la radio, Laurent Nicolas a peint un Léo Ferré rêveur et Tapage, dessiné un petit keupon chanteur et enthousiaste.

 

On monte le son

 

Côté musique, le disque est à l’image de la radio : engagé et éclectique. Ça chante, ça rocke et ça joue dans tous les sens. Le vinyle est le plus vocal, le CD plus instrumental.

 

La galette noire s’ouvre sans ambigüité sur « Ni dieu ni maître » de la Canaille et se referme avec « La révolte dans les villes » de Sages comme des sauvages. Il y a des surprises : on plonge dans la guerre de 14 avec Tardi, passé du crayon au micro le temps d’un texte « Adieu Broutille », suivi de Dominique Grange qui chante « Le dernier assaut ». On a dans l’oreille « Les loups sont entrés dans Paris » interprétée par Serge Reggiani, mais HK & les Saltimbanks réactualisent brillamment la chanson. Eric Sterenfeld nous gratifie d’une reprise liquide de la 1ere gymnopédie d’Erik Satie, un libertaire dans les actes s’il en fût. La reprise de « L’oppression », de Léo Ferré, par Romain Humeau (Eiffel) et Estelle Humeau à l’orgue Hammond, garde une simplicité qui sert le texte.

 

A l’inverse, Tribraque improvise autour de la phrase de Léo Ferre « Le désespoir est une forme supérieure de la critique, pour le moment nous l’appellerons bonheur » (« La solitude »), dite par Jean François Pauvros : une séquence « enragée » qui donne envie de se lever pour combattre car, à l’instar d’Albert Camus : « se taire, c’est laisser croire qu’on ne juge et ne désire rien. » Mais pour autant, l’ « Hymne à la paresse » de Tao Ravao, reste quand même engagé et carrément nécessaire !

 

Un cadeau qui gratouille

 

Ce double disque, qui témoigne de la générosité et de l’engagement de ses différent(e)s auteur(e)s, sort officiellement le 22 avril 2017, au Salon du Livre Libertaire.

Par les temps qui courent, c’est comme un vent d’air frais qui nous caresse le visage et nous rappelle que la liberté d’expression tient à un fil que nous devons surveiller comme le lait sur le feu.

Article écrit par Agnès Rougier

En savoir plus et se procurer le disque :

Librairie Publico : 145 rue Amelot, 75011 Paris